Le combat d’un « déconspirateur » victime de la haine


Livre. Fondateur, en 2007, du site Conspiracy Watch, l’Observatoire du conspirationnisme, Rudy Reichstadt fait partie, avec les journalistes et essayistes Tristan Mendès France et Thomas Huchon notamment, du petit groupe de spécialistes français dont l’activité consiste à contrer, par un travail d’information, les récits complotistes qui prolifèrent. Un choix éthique et politique qui – son ouvrage Au cœur du complot (Grasset, 120 pages, 15 euros) le confirme – se paie cher sur un plan personnel. Car le complotiste contrarié, en particulier s’il occupe sur ce créneau une position gratifiante de leader ou d’entrepreneur, est une espèce vindicative. Face à toute démystification méthodique de son discours, il redouble de mensonges ahurissants visant cette fois prioritairement la personne de son contradicteur, et mobilise ses suiveurs constitués en meute.

L’usage compulsif de la haine verbale menace toujours, auprès d’esprits faibles, de déborder en violence ouverte. Thomas Huchon a ainsi été victime d’une agression physique par un ancien ami de jeunesse, rappelle l’auteur, qui, pour sa part, a subi dès 2010 sa « première menace de mort caractérisée ». Aussi vénéneuse soit-elle, la menace n’est pourtant qu’un épiphénomène par rapport à la masse d’inventions diffamatoires qui, sur les réseaux numériques, se déverse de manière cumulative sur la personne du « déconspirateur ».

Industrie de la manipulation

Rudy Reichstadt y est, entre autres, accusé de diriger une « officine sioniste », d’être financé par Bill Gates, George Soros ou les deux ; il est désigné complice des pédocriminels (qui, dans la vulgate complotiste, contrôlent « l’Etat profond »), crédité d’un appartement à Monaco payé par Big Pharma, etc. L’intéressé serait bien en peine de produire un flux équivalent de démentis. Et d’ailleurs, qui le croirait ? « La ruse du diable n’a-t-elle pas toujours été de faire croire qu’il n’existait pas ? », écrit-il, stoïque devant cette détestation qui lui fait « saisir intimement le phénomène complotiste, par le versant de l’expérience », et fraterniser « avec ces innombrables boucs émissaires sur lesquels, depuis des temps immémoriaux, s’est concentrée la haine grégaire ».

Lire notre entretien avec Rudy Reichstadt : Article réservé à nos abonnés « Il faut impérativement cesser de trouver des excuses au complotisme »

Il est recommandé, face à la calomnie, d’afficher son blindage. Celui de Rudy Reichstadt est de bonne épaisseur, mais, « parce que chaque jour n’est pas ensoleillé », il finit toujours par laisser passer quelques « particules radioactives ». Et un cap est franchi quand Xavier Azalbert, le patron du site France-Soir, relais des thèses conspirationnistes, met en circulation le nom de sa compagne… Loin de victimiser son auteur, ce livre éclaire un pan du phénomène complotiste, qui n’est pas le fait de doux dingues mais de promoteurs d’une industrie de la manipulation adaptable à toutes les mauvaises causes. Rarement dupes de leurs énormités, les meneurs, explique Rudy Reichstadt, « ont franchi le Rubicon » et, une fois confortés par l’adhésion d’un public fidèle, « sont allés beaucoup trop loin pour se raviser ». « Je ne les méprise pas, je les combats », écrit-il.

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